N°5 - Les droits des Grands-Parents
Publié le :
03/06/2020
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Qui n’a jamais rêvé d’avoir pour grand-mère une « mamie gâteaux » qui vous régale de délicieuses confitures et pâtisseries « maison » et vous raconte de si belles histoires devant la cheminée au doux feu crépitant ?
De nos jours, cette image d’Epinal relève de la chimère alors que, chaque année, plus de 3 000 conflits familiaux opposent les parents aux grands parents à propos des petits enfants. Conflits pouvant se révéler aussi destructeurs qu'un divorce mais que les familles préfèrent le plus souvent, taire.
Les litiges surgissent souvent après le décès de l'un des parents, le remariage de l'autre ou après un divorce. Les grands-parents se voient alors, coupés de leurs petits-enfants.
Le code civil, en son article 374-1, reconnait et protège la relation enfant /grands parents. Bien que le langage courant parle d’un « droit des grands parents » envers leurs petits-enfants, il s’agit en réalité du contraire : le droit pour l’enfant d’entretenir des relations avec ses grands-parents. L’article 374-1 dispose ainsi : « L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit. »
Les grands parents sollicitent auprès du juge aux affaires familiales, un droit de visite et/ou d’hébergement. Le droit de visite étant le droit de recevoir l’enfant pendant la journée, le droit d’hébergement étant celui de faire dormir l’enfant à leur domicile afin de développer et nourrir cette relation.
1°/ Les avis divergents sur le droit d’agir en justice accordé aux grands parents :
Si pour certains, le droit pour les grands parents, de contraindre leurs enfants à maintenir des liens avec les petits enfants est incontestable, certaines voix s’élèvent contre le caractère dangereux de cette démarche en présence de grands parents qualifiés de « toxiques ».
Les grands parents sont en général, le lien qui cimente les membres d’une famille. Ils peuvent transmettre l’histoire, la culture, les valeurs morales, intellectuelles ou religieuses de la famille à leurs petits-enfants. Ce rôle affectif et éducatif peut permettre l’épanouissement harmonieux de l’enfant. Il est alors, de son intérêt de maintenir ce lien malgré d’éventuels conflits parents/ grands parents.
L’association « l ’École des grands-parents européens » indique être assaillie d’appels de grands parents désespérés de ne pas voir leurs petits-enfants grandir. «Souvent, il y a de gros problèmes d’incompréhension, de mésentente avec leurs enfants, mais ils espèrent renouer avec eux grâce à cette nouvelle génération qui n’a rien à voir avec ce passé. Les sempiternels problèmes d’incompréhension et de rivalité entre belle-mère et belle-fille sont également souvent à l’origine de ces conflits. Mais il existe aussi des grands-parents toxiques qui n’ont pas la moindre trace d’empathie et sont uniquement dans le règlement de comptes»
Des voix contraires s’élèvent comme l’association La Dérive 371-4 qui dénonce l’utilisation abusive par certains grands-parents, de leur droit de visite . «Laisser aux grands-parents ou aux tiers la possibilité de recourir à la justice pour obtenir, contre le gré des parents et quel que soit leur comportement, un droit de visite ou d’hébergement des petits-enfants est inutile et dangereux. Couper ce lien est un tabou dans notre société, même quand il y a eu de la maltraitance ou quand le climat familial est toxique.»
2°/ Le fondement de l’action en justice accordée aux grands parents :
- Avant la loi du 5 mars 2007, les relations personnelles des grands-parents avec leurs petits-enfants pouvaient être exclues pour tout motif grave.
- Depuis la loi n° n°2007-293 du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance qui a modifié l’article 374-1 du code civil, seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l'exercice de ce droit.
- Pour la Cour de cassation, l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement par les grands-parents constitue le principe. Pour y faire échec, les parents doivent rapporter des éléments de preuve sérieux démontrant que cette relation serait contraire à l’intérêt de l’enfant.
3°/ L’action en justice des grands parents :
- En premier lieu, une démarche amiable doit être recherchée afin de parvenir à la conclusion d’un protocole d’accord qui, homologué par le juge, acquiert valeur de jugement.
- Si le désaccord persiste, le litige devra être tranché par le juge aux affaires familiales. La procédure doit être engagée à l’encontre des deux parents, et ce par le biais d’un avocat.
La décision du juge : En pratique, le juge doit procéder à une évaluation concrète de la relation, son critère étant la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant. En ce sens, il prendra en compte :
- l’attachement petits-enfants / grands parents,
- les désirs et sentiments de l’enfant,
- l’existence de pratiques ou d’accords antérieurs au litige,
- le comportement des parties, leurs motivations, leurs éventuels conflits, etc.
Il pourra ordonner une enquête sociale et/ou d’expertise médico-psychologique et entendre les petits-enfants (à leur demande ou sur sollicitation du juge).
- Il décidera ensuite au cas par cas d’accorder un droit de visite et d’hébergement modulable en fonction de l’âge de l’enfant. Il en déterminera la fréquence et les modalités (jour, durée, lieu..). En moyenne, il accorde un jour par mois, souvent le dimanche, qui sera par la suite élargi en fonction de l’évolution de la situation.
- Le juge pourra aussi limiter ce droit au seul droit de correspondance et entretiens téléphoniques.
La suppression ou restriction du droit des grands parents :
Lorsque la fréquentation des grands-parents est nuisible aux petits enfants, les droits des ascendants peuvent être restreints ou supprimés. Notamment lorsque :
■ Les parents et grands-parents sont dans une situation si conflictuelle qu’elle pourrait perturber l’enfant (conflit successoral, mésentente aigue etc..) dans le souci de préserver l’équilibre psychologique de l’enfant placé au centre d’un conflit familial.
■ les grands parents en sont pas aptes à s’occuper d’enfants : carence éducative, incapacité mentale ou physique
■ la relation avec les grands-parents met en danger les petits-enfants (violences physiques ou morales, alcoolisme, inceste etc…).
Le comportement ou le mode de vie des grands-parents, peut aussi justifier un refus : la Cour d’Appel de Poitiers a refusé un droit de visite à des grands-parents qui travaillaient dans le domaine de la pornographie (CA Poitiers 7 février 2006 jurisdata N° 2006-301153)
■ l’enfant refuse, de lui-même, de voir ses grands-parents.( le juge doit le constater)
Le juge pourra toutefois prévoir une rencontre entre les grands-parents et les petits-enfants dans un milieu « protégé ».
A noter que si les parents refusent d’exécuter le jugement qui fixe un droit de visite, ils peuvent être pénalement poursuivis pour non-représentation d’enfant, (un an de prison 1.500 euros d’amende). Ceci même si l’enfant refuse la rencontre avec ses grands parents.
Comme le disait si bien Léon TOLSTOI : « Toutes les familles heureuses se ressemblent. Chaque famille malheureuse est malheureuse à sa manière. »
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