Le divorce et l’adultère

Le divorce et l’adultère

Publié le : 02/07/2020 02 juillet juil. 07 2020

« Tu ne commettras point d’adultère » tel est le 7ième  commandement imposé par la Bible depuis des milliers d’années. Bien qu’en France, les futurs mariés se jurent fidélité devant Mr le maire, selon un récent sondage, l’adultère toucherait 33% des femmes et 49% des hommes.
La loi appréhende toutefois, la notion d’adultère de façon fluctuante et évolutive en tentant de s’adapter à l’évolution des mœurs et de la société.

UN PEU D’HISTOIRE 

L’adultère peut être défini comme la violation du devoir de fidélité prôné par l’ article 212 du Code civil consacrant les devoirs inhérents aux époux : “Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance”.

- Alors que sous l’Antiquité la femme infidèle était condamnée à la noyade, au XVIIe siècle, on lui infligeait la peine de « l’authentique » qui consistait à l’enfermer  dans un couvent après lui avoir fait subir certains châtiments (crâne rasé, fouet). 

- Napoléon Bonaparte instaure un code pénal en 1810 avec une législation très inégalitaire : 
  • l’adultère de la femme restait encore sévèrement réprimandé  comme étant un délit :  son mari  pouvait la faire enfermer dans  une maison de correction pendant trois mois à deux ans 
  • alors que  le mari, tout aussi volage, n’était passible lui, que d’ une… amende de 100 et 2 000 francs.
  • De plus,  l’époux n’était reconnu comme étant adultère que s’il avait introduit sa maîtresse au domicile conjugal. S’il avait une liaison hors du domicile conjugal, ce n’était pas considéré comme un adultère. D’où la multiplication des « garçonnières » à partir de cette époque.
  • Enfin,  l’époux qui tuait l’amant de sa femme au domicile conjugal était totalement absous par la loi tandis que l’épouse qui tuait son mari adultère ou la maîtresse de ce dernier n’avait aucune excuse. 
- Ce n’est que le 11 juillet 1975 que l’adultère a été dépénalisé et ne constitue plus un délit.
 

L’ADULTERE DANS LE DIVORCE :

Actuellement, l’adultère reste  une faute civile susceptible de justifier un divorce pour faute aux torts d’un époux mais n’est plus une cause automatique de prononcé du divorce.

 Il appartient au juge de décider, en vertu de sa liberté d'appréciation des faits.

 Au regard de l’article 242 du code civil : «  Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune

1°/ L’adultère constitue une violation grave ou  renouvelée des devoirs et obligations du mariage :

Il est nécessaire de prouver la gravité de la violation du devoir de fidélité. De façon générale, une simple aventure ponctuelle, une attitude habituellement volage, une véritable double vie : tout peut caractériser la faute d’adultère que le juge analysera au regard du contexte.

L’adultère peut être :
  • écarté lorsque l’adultère est réciproque ou par exemple si le couple est connu comme étant un couple libertin, il ne sera pas possible d’accuser son conjoint d’être adultère
  • Il peut être excusé en fonction du comportement du conjoint : par exemple, dans un arrêt du 28 janvier 2009, la Cour de cassation a approuvé le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l’épouse alcoolique, l’alcoolisme  "excusait"  l'adultère du mari
Toutefois, si l'époux victime de l’infidélité de l’autre est lui-même infidèle alors que le divorce n’est pas terminé, le juge pourra prononcer un divorce aux torts partagés.  Avoir une nouvelle relation alors que la procédure de divorce est en cours est donc juridiquement risqué. ( Cour de Cassation n°17-17575 du 11 avril 2018.)
 

2°/ Le cas de l’adultère virtuel:

L’inscription d’un époux sur un site de rencontre est-elle une faute ?

Selon la jurisprudence, la notion de fidélité ne se limite pas à la fidélité charnelle. Le devoir de fidélité est aussi une obligation morale et affective.

L’infidélité virtuelle, peut donc dans certains cas constituer une violation du devoir de fidélité et être retenue comme une faute motivant le divorce. Il s’agit de l’ « adultère moral ».

Ainsi, une inscription isolée éphémère sur un site de rencontre ne sera pas une faute n’ayant pas un caractère de gravité suffisant.

Pour que cette inscription soit fautive, il faut une présence ancienne et un échange de correspondances intimes, envoie des photos compromettantes et recherche manifestement des aventures extraconjugales  » (Cour d’appel de Lyon 7 février 2011,09/06238)

Il en est de même lorsque l’époux s’adonne à « une fréquentation soutenue et injurieuse d’Internet sur des sites de rencontres ou pornographiques  » (Cour d’appel de Paris, 19 décembre 2007,07/03365)

Un adultère virtuel et donc, non consommé, peut être sanctionné selon la Cour de cassation : ainsi une épouse, par le biais d’un site de rencontre, échangeait mails et photographies intimes avec des hommes, mais sans avoir de relations physiques. Le divorce a été prononcé à ses torts exclusifs (Cour Cass, 30 avril 2014, N° 13-16649.)

3°/ Comment prouver un adultère ?

- La preuve est libre :

Selon l’article 259-1 du code civil, tout mode de preuve est accepté, à l’exception d’un élément qui aurait été obtenu par violence ou par fraude.

 A noter que les enfants du couple ne peuvent pas attester dans la procédure en divorce de leurs parents ; ceci pour les préserver tant que faire se peut, des conflits opposant ces derniers.

- Les modes de preuve :
  • L’aveu dans un écrit : ce peut être une lettre, un journal intime ou un fax.
  • un constat d'adultère : dressé par huissier (article 259-2 du code civil) entre 6h et 21h
  • Un rapport de détective privé :il est maintenant  accepté par le juge ( Cour    Cass,15 janvier 2014 - 12-24882)
  • Des attestations : en respectant les obligations de l'article 202 du CPC : manuscrites, datées, signées avec pièce d'identité et témoignage direct
  • Des écrits : courriers,  fax, cartes postales etc..
  • des relevés téléphoniques,
  • Les mails: à condition de prouver que l’ordinateur du conjoint n’a pas été forcé. Dans un arrêt du  2016 la Cour d’appel de Paris a reconnu recevables des mails obtenus par l’époux sur l’ordinateur de son conjoint qui l’avait laissé ouvert après son départ définitif du domicile con jugal (7 novembre 2016, n°14-14882 jurisdata n°201-024336)
  • Les SMS : recevables  si obtenus sans fraude.  la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 17 juin 2009, a admis leur recevabilité. 
  • Les réseaux sociaux : la Cour de Cassation  a jugé que l’échange de messages équivoques et de photos intimes d’une épouse sur un réseau social constituait un manquement grave et renouvelé aux obligations du mariage. (Cass, 30 avril 2014 n°13-16649)
- Par contre : lorsque les moyens utilisés sont frauduleux, le juge écarte les éléments et pièces qui en sont issus : ex : la mise en place de logiciels pour espionner et surveiller les sites consultés par l’époux, le piratage de sa boite mail, ou tout autre procédé destiné à capter ses conversation ou échanges vidéo sont irrecevables.

Ainsi le péché de chair interdit par le 7ième commandement s’est mué , au fil du temps, en une simple faute. L’obligation de fidélité est même  remise en cause dans certains pays. En Chine et aux États-Unis, la tendance est au « Single Day »( trad : journée en célibataire) : les couples prennent une journée par mois de célibat où chacun va voir ailleurs…

Historique

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